Comment souffler la prévention à l’oreille des patrons ? – Miroir social
Le Dr Florence BENICHOUX, anciennement médecin hospitalier, et Nicole Dutheil, osthéopathe, de l’agence Better Human ont élaboré une méthode qui vise à prendre en compte les besoins humains dans l’organisation… tout en améliorant ses performances. Ou comment expliquer aux dirigeants, dans un langage susceptible de les alerter, l’intérêt de penser la prévention des risques au sein de leur organisation.
C’est à l’occasion d’une conférence-débat organisée le 6 novembre, et devant un parterre de dirigeants, chargés de RH, avocats, psychologues du travail, entre autres, que le Dr Florence Benichoux et son associée Nicole Dutheil ont présenté leur méthode « Haute Qualité Humaine® » (HQH®). Celle-ci consisterait en la capacité d’une entreprise « à valoriser les femmes et les hommes pour faire de ce capital humain un avantage concurrentiel et créer des bénéfices ». Définition qui pourrait en faire tiquer plus d’un… « Mais, précise Nicole Dutheil, l’idée est créer un climat de confiance entre tous les acteurs de l’entreprise, et de les amener à discuter du travail. Les bénéfices sont pour tout le monde, y compris pour le salarié. » Un terme qui, surtout, aurait le mérite de susciter davantage l’intérêt des dirigeants.
La méthode HQH® repose sur cinq piliers, à la manière de la pyramide des besoins de Maslow : l’environnement de travail doit être plus « sûr » (0% d’accidents du travail, employabilité…), plus « sain » (moins de 3% d’absentéisme, pas de « burn out », etc), plus « simple » (organisation efficace), plus « serein » (reconnaissance, équilibre entre vie privée et professionnelle, 100% des congés payés pris), et enfin créant « plus de sens » (fierté d’appartenance, épanouissement…).
« Traduire en euros »
Des critères cruciaux à respecter pour assurer un bon environnement de travail, et préserver la santé des salariés, que nombre de chercheurs n’ont cessé de mettre en avant depuis des dizaines d’années. Cependant, ce discours universitaire serait sans doute « trop dans le complexe », selon Florence Benichoux. Ce qui expliquerait pourquoi il ne semble pas toucher les dirigeants, qui n’y verraient par ailleurs sans doute que des coûts supplémentaires… Tout l’intérêt, justement, de la méthode HQH®, qui « traduit » ce discours sur la qualité de vie au travail. « A la base, en tant que professionnels de santé, nous ne sommes pas censés regarder les aspects économiques, précise Nicole Dutheil. Mais tant que les managers n’auront pas compris que la santé ne va pas forcément ‘de soi’, ils ne se sentiront jamais directement concernés, ni ne prendront conscience qu’un management trop autoritaire, avec des exigences excessives, peut avoir des répercussions néfastes. » Et d’insister sur l’importance de parler du travail. « Plus on le connaît, plus on a de prise dessus. »
Autre tentative de « traduction » à l’attention des dirigeants, présentée à l’occasion de la conférence : l’étude du cabinet Avyso, en collaboration avec l’OPPBTP (extrait de l’étude de 2013, une plus actuelle sera présentée en décembre), qui décline une centaine de cas dans lesquels un investissement dans la prévention peut rapporter, ou du moins coûter moins cher qu’envisagé a priori. « L’idée est bien de traduire en euros des idées de nature qualitative, éthique, explique Philippe Emsalem, auteur de l’étude. C’est un moyen de convaincre les entreprises, et notamment dans le cas du BTP, les TPE, d’investir dans la prévention. Car si les dirigeants peuvent être sensibles à ces questions, ils ne prendront vraiment de décision que lorsque l’on leur parlera de performance économique. » Tout l’objectif de cette étude qui montre que sur ces 101 cas étudiés, 1 euro dépensé en prévention rapporterait en moyenne 2,19 euros. « Mais notre but n’est pas d’orienter l’action de prévention en fonction de la rentabilité. Plutôt d’aller à l’encontre des idées reçues. »
Propos recueillis par Audrey Minart
(Source : Miroir Social, le 18 novembre 2014)
Contact : florence.benichoux@betterhuman.fr